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Qu'est-ce qu'une bonne histoire ? (vidéo n°3 de Martin Winckler)
Il y a des tas de bonnes histoires. Toutes les histoires sont autour de nous : elles surviennent dans la vie avant d'être transposées dans la fiction.
Le point commun : ça nécessite pour être plausible une construction précise qui retombe sur ses pieds et donne une satisfaction au lecteur ou au spectateur
This is us : nouvelle série sur la NBC. On ne connait les liens entre les personnages que dans les 30 dernières secondes du premier épisode ; on donne alors la clé qui permet de les unir tous, clé très simple mais que l'on n'a pas vu venir. Quand on connait ce lien, les vies des personnages deviennent bien plus passionnantes. Tout ça est dû à un artifice de construction : 3 ou 4 histoires qui se rejoignent.
Une bonne histoire : on a envie de connaitre la suite mais on n'a pas envie de la terminer, on veut rester dedans.
Se poser des questions simples :
- c'est l'histoire de qui ?
- ça se passe où ?
- cela va de quel point à quel autre ? On doit savoir d'où l'on part et où on arrive (histoire = transformation, expérience). Il faut un début, une difficulté/un conflit, une transformation ou une prise de conscience (au moins pour le lecteur, le personnage peut ne pas surmonter le conflit, l'histoire se termine alors par un échec pour le personnage).
La fin doit être connue, doit être excitante pour l'auteur, pour qu'il ait envie d'en retarder le plus longtemps possible la révélation et qu'il ait envie d'inventer toutes les péripéties possibles.
George Pérec (d'après Raymond Queneau ?) : "Le romancier est un rat qui construit le labyrinthe dont il se propose de sortir".
Le rat est d'abord l'auteur, et ensuite le lecteur. Un auteur ne peut pas écrire un livre intéressant pour des lecteurs s'il n'est pas lui-même le lecteur qui construit son livre.
George Perec, la vie mode d'emploi : analogie entre l'art de dessiner, de découper les puzzles (l'auteur) et l'art de reconstituer le puzzle (le lecteur).
La différence est qu'un livre peut avoir l'air d'être déjà construit. En fait, on ne voit pas tout, il faut lire pour découvrir progressivement l'histoire, pour composer une histoire complète à la fin.
Une bonne histoire c'est toujours une histoire qui a plusieurs fins attendues ou inattendues. Le lecteur a déjà lu plusieurs livres avant, mais il a envie d'être surpris et de donner sa chance à une nouvelle histoire.
Pour écrire une bonne histoire, il faut se préoccuper du lecteur qui est en soi. Comment je vais la raconter pour qu'elle me donne envie de la raconter jusqu'au bout ? Créer un mystère (se donner des jalons, les annoncer) puis résoudre ce mystère. Les pistes doivent être explorées ou résolues. Il faut s'en assurer lors du travail de réécriture, supprimer les pistes qui ne sont pas exploitées et n'apportent rien. Ne pas disperser l'attention du lecteur dans des choses qui n'ont pas d'intérêt pour l'histoire centrale.
Ce qui fait l'intérêt de l'histoire, c'est la manière dont on la raconte. Si on adopte un point de vue atypique, on peut donner à une histoire banale un aspect passionnant.
Ce n'est pas grave de répéter toujours la même histoire, ou de reprendre les histoires qui vous ont plu et qui ne sont pas les vôtres. C'est comme lors de la transmission orale : ce qui compte, c'est la manière de raconter. On peut entendre plusieurs fois la même histoire sans se lasser si elle est racontée différemment.
Exercice 3
Petit exercice de création de puzzle. Dites-nous quel est le personnage le plus fort de votre histoire. Dites-nous quel changement il subit dans votre histoire. Dites-nous quel est son enjeu externe. Puis son enjeu interne. Enfin, résumez votre histoire en nous donnant son début, son milieu, sa fin. Et faites tout cela en une dizaine de lignes ! Au travail !
Désencombrement (nouvelle)
Lisa mène une vie qu'elle ne contrôle plus quand, un jour, elle lit un article sur le désencombrement. Elle y trouve une motivation nouvelle : ranger, organiser, trier, jeter pour remettre de l'ordre autour d'elle et retrouver son énergie.
Elle se lance donc dans ce grand projet avec sa meilleure amie. L'exercice est difficile, mais riche (enjeu externe). Elle apprend la persévérance, vit de nouvelles expériences, fait de belles rencontres. Mais un objet, retrouvé au fond d'une boîte, va réveiller de vieux démons. Lisa fait un cauchemar. Au réveil, elle comprend qu'un secret l'étouffe depuis son enfance.
Finalement, dans un appartement bien rangé, débarrassée des objets anciens et du fatras inutile, recentrée sur l'essentiel, Lisa a pu résoudre son conflit (enjeu interne). Elle a trouvé la force d'aller parler à la personne concernée par le secret, ce qui l'a libérée de ses démons. Elle peut maintenant porter un regard apaisé sur le passé. Elle se sent mieux, prête à débuter une nouvelle vie.
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Voici mes notes sur la vidéo n°2 de Martin Winckler : le personnage ou l'histoire ?
- Histoire ou personnage ? Ça dépend de nos intentions. On peut avoir le personnage le plus extraordinaire du monde, il faut lui faire vivre quelque chose (exemple : Sherlock Holmes).
- On peut partir d'une situation qui n'est pas une histoire et développer cette situation (série Bob & Rose).
- On n'est pas obligé de décrire le personnage. Ce qui est intéressant, ce sont les actions, les interactions. Ne pas le décrire laisse tout latitude au lecteur pour imaginer son aspect physique.
- On peut ajouter des détails, des caractéristiques personnelles, des allusions, une fois que l'histoire sera construite. Il faut veiller à homogénéiser sur toute l'histoire lors de la relecture.
- Si on part d'une situation, il faut pouvoir la développer, pour créer une histoire. Avoir la scène initiale et les personnages ne suffit pas.
- Quand on connait le début, la fin et qu'on sait ce qu'on veut mettre à l'intérieur, quels sont les personnages qu'on va créer et quelle va être leur fonction dans l'histoire, on peut écrire.
- Qu'est-ce que j'ai envie de raconter ? Est-ce que j'ai envie de raconter l'histoire d'un personnage ? (Dans ce cas, il faut savoir d'où l'on part et où on arrive). Ou est-ce que j'ai envie de raconter une histoire ? Certains personnages ou certaines étapes peuvent être déjà donnés (notamment si on écrit un récit historique, en lien avec des faits ayant réellement existé).
- Il ne faut pas avoir peur de supprimer (des chapitres, des parties du texte). On les met de côté pour un usage ultérieur.
- Écrire en partant d'un plan ou pas ? Ça n'a aucune importance.
- Toujours garder à l'esprit les 3 points de la vidéo n°1.
Pour l'exercice n°2, il faut expliquer en une dizaine de lignes ce que l'on a envie de raconter pendant le MOOC. Pour ma part, je me contenterai d'une nouvelle.
Désencombrement
Lisa a une vie trépidante, un travail prenant et peu de temps pour elle. Depuis quelques semaines, tout va de travers dans sa vie : des soucis au boulot, le célibat qui lui pèse, son chat qui tombe malade... Débordée, épuisée, Lisa décide de faire du vide, de tout remettre à plat. Elle va DE-SEN-COM-BRER.
Pour cela, elle fait appel à sa meilleure amie. Ensemble, elles trient papiers, livres et bibelots. Lisa vend, donne, jette. Elle retrouve une nouvelle énergie, fait de belles rencontres... Jusqu'au jour où un objet lui évoque d'amers souvenirs d'enfance.
Que s'est-il donc passé cette année-là ? Lisa va devoir affronter les fantômes familiaux...
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— Bon, Cindy, tu es prête ? On y va ? me demande Papa.
Je monte dans la voiture. J'avoue n'avoir pas bien compris où nous allons. Ça leur a pris comme ça : il faisait beau, il fallait sortir, prendre l'air et le soleil. Pfff... Je serais bien restée à la maison, moi.
La voiture roule, roule. Quand est-ce qu'on arrive ? J'en ai marre.
— Les enfants, nous voici arrivés à Ouistreham. Tout le monde descend !
Oui-quoi ? Qu'est-ce que c'est que ce patelin encore ?
Tiens, tiens, je sens une délicieuse odeur. Sucre et beurre... Qu'est-ce que ça peut être ?
— Papa, papa, on peut avoir une gaufre au chocolat ? demande Julie.
— Ah non, moi je préfère une crêpe au sucre, rétorque Stéphane.
— Bon, OK, allons-y.
Les enfants dévorent leur goûter rapidement : ils sont pressés d'aller voir plus loin. Nous avançons sur un chemin bitumé, bizarrement parsemé de grains de sable. Je prends conscience qu'il y a un bruit étrange qui ne cesse de bourdonner dans mes oreilles. Comme un grondement sourd, régulier. Qu'est-ce que c'est ?
— Cindy, tu restes près de moi, hein.
Julie ne semble pas trop rassurée. On dirait qu'elle a peur que nous nous perdions de vue.
Mais qu'y a-t-il donc derrière ces drôles de cabanes en bois ? Nous croisons beaucoup de monde, plusieurs chiens en laisse de toutes tailles, de toutes couleurs et de tous poils. Certains semblent mouillés. Je ne sais pas pourquoi.
Soudain, après avoir dépassé la dernière cabane, un spectacle exceptionnel se présente à moi. Je suis éblouie. Je n'ai jamais vu autant d'eau ! Qu'est-ce donc ? Une baignoire géante ? Si c'est cela, autant faire demi-tour tout de suite. Je déteste qu'on me plonge de force dans la baignoire pour prendre un bain ! Le savon me pique les yeux. J'essaie à chaque fois de me sauver, mais je n'y parviens pas car Papa me tient solidement. Quand le supplice est terminé, il m'enveloppe dans une serviette et me laisse enfin sortir de la salle de bain et courir à l'autre bout de la maison.
Les enfants marchent maintenant dans le sable. Ils avancent vers l'eau. Les grains d'abord doux et soyeux deviennent bientôt humides et collants. Beurk ! Finalement, ils posent leurs sacs, enlèvent leurs chaussures et presque tous leurs vêtements et se précipitent en courant vers l'eau de la grande baignoire. Julie m'appelle.
— Viens, Cindy, on va nager !
Je cours derrière elle. J'adore courir et c'est vrai qu'ici, on ne peut pas dire que ça manque de place. Je peux m'en donner à cœur joie. Je galope à droite, à gauche. Je vois parfois de gros oiseaux gris posés sur le sable. Quand je m'approche, ils s'envolent. C'est rigolo !
Et puis, le moment tant redouté arrive. J'ai les pattes dans l'eau. Julie me regarde en souriant et m'encourage.
— Avance, Cindy. Tu vas voir, on va bien s'amuser. Tu n'as pas à avoir peur. Tous les chiens savent nager !
Elle a raison. Je réussis à franchir un passage difficile, où l'eau bouge, monte et m'arrose complètement.
— Avance, ce n'est rien. Juste quelques vagues.
Un peu plus loin, l'eau devient enfin plate. Je ne sens plus le sol. Je suis Julie en agitant mes pattes et j'arrive à avancer. Quelle sensation étrange ! Je suis mouillée mais je me sens légère. Ce n'est pas désagréable. L'eau a un goût bizarre. Mais je m'amuse bien. Les enfants sont ravis de jouer avec moi. Je nage vers Julie. Elle me prend dans ses bras quelques secondes pour que je me repose. Puis elle me remet dans l'eau, et je file vers Stéphane, qui me soulève à son tour. Papa est là aussi.
Bientôt, il me prend dans ses bras pour me ramener sur la terre ferme. Car mes forces commencent à m'abandonner. Je tremble comme une feuille. Et j'ai soif, si soif. Papa a apporté mon bol, heureusement, et me verse de l'eau sortie d'une bouteille. Je me désaltère à grands coups de langue.
Au retour, je m'endors dans la voiture, épuisée par cette première grande sortie en famille à la plage.
Texte écrit en 30 minutes chrono pour le premier exercice du MOOC : Raconter un souvenir d'enfance du point de vue de quelqu'un d'autre. Voir ici : MOOC #1.
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Je suis inscrite au MOOC Draftquest "Ecrire une oeuvre de fiction" : 6 semaines, 6 vidéos. Dans ce MOOC, Martin Winckler, un auteur que j'aime beaucoup (j'ai lu 5 de ses romans) prodiguera ses conseils aux écrivants.
Dans la première vidéo, Martin Winckler nous parle de l'écriture :
"Par quel bout commencer ?"
"L'écrivant", comme il se nomme lui-même, nous donne des conseils et se montre rassurant.
- Écrire, ça s'apprend : il y a un ensemble de techniques que l'on peut acquérir mais les techniques sont aussi faites pour être transgressées.
- L'écriture, c'est du travail : 5% d'inspiration et 95% de transpiration.
- On peut utiliser des cahiers, au quotidien, pour noter des faits, des observations, des idées, ou pour tenir un journal comme le faisait Kafka.
- Le journal intime est un bon moyen de commencer et permet de suivre nos progrès.
- En France, on pense que pour écrire il faut écrire "bien" - en réalité, on a le droit de tout faire.
- L'originalité, ça n'existe pas : tous les sujets ont déjà été abordés, l'originalité tient à la manière dont nous allons raconter - "Personne n'écrit comme vous".
- Il faut commencer modestement : écrire un roman c'est comme préparer un marathon, on commence par s'entrainer sur des textes courts.
- Pour s'entrainer, on peut écrire : journal, fable, conte, nouvelle, résumé d'un roman, portrait d'une personne, transposition d'une histoire déjà écrite (changement d'époque, de contexte...), texte à partir d'une information lue dans les journaux, réécriture de la fin d'un roman qui ne nous plait pas, histoire racontée par une personne de notre entourage, rêve que l'on a fait...
- L'essentiel est d'écrire quelque chose qui nous fait plaisir.
- On peut s'inventer des contraintes, des sujets d'écriture comme celui de l'exercice 1 du MOOC : "Écrivez un souvenir d'enfance agréable mais du point de vue de quelqu'un d'autre".
- Il faut trouver du temps pour écrire chaque jour, en diminuant notre temps de lecture si on est un grand lecteur (c'est en lisant qu'on apprend aussi à écrire).
- On doit se fixer un objectif réaliste : écrire une page par jour.
A la fin de son intervention, Martin Winckler résume l'essentiel en 3 points :
- Il faut avant tout se faire plaisir.
- Personne d'autre ne peut écrire à notre place ce que l'on a à écrire.
- Écrire, c'est du travail : 5% d'inspiration et 95% de transpiration.
Je reviendrai poster mon texte quand j'aurai fait l'exercice.
Pour le moment, je cherche l'inspiration...
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Le hibou et la cigogne
Une nuit, un hibou qui chassait les souris
Traversa un marais et entendit un cri.
Survolant les roseaux sur un îlot il vit
Une cigogne échouée qui paraissait blessée.
Il se posa doucement pour ne pas l'effrayer :
« Demoiselle, qui êtes-vous et pourquoi donc ce cri ? »
La cigogne répondit qu'elle s'était égarée
En cherchant du paillis pour édifier son nid.
Voulant reprendre son vol une fois la nuit tombée,
Elle avait mal chuté et avait l'aile brisée.
Le hibou attiré et séduit malgré lui
Proposa à la belle un abri pour la nuit.
Un nid douillet au sol il lui confectionna
Lui promettant aussi d'apporter un repas.
Quand enfin il revint visiter son amie
Il la trouva souriante, en charmante compagnie :
Une mésange infirmière avait soigné son aile.
Le hibou remercia cette auxiliaire fidèle.
De ce jour, chaque nuit, cigogne et maître hibou
Bavardaient, échangeaient, pouvant parler de tout.
Le vieux sage admirait blanche oiselle en secret
Mais pensait que jamais elle ne pourrait l'aimer.
Belle et jeune, elle avait l'avenir devant elle.
Bientôt elle le quitterait et déploierait ses ailes
Pour retourner en ville où elle avait sa vie,
Retrouver ses amis et construire son nid.
Il était plus âgé et vivait en forêt.
Ses blanches plumes à lui indiquaient les années
Où il avait acquis maturité, sagesse
Et toute l'expérience qu'apporte la vieillesse.
Le jour tant redouté finit par arriver.
La cigogne s'envola le laissant esseulé.
Elle promit au hibou de revenir le voir
Lui donner des nouvelles sans faute avant l'été.
Maître hibou, cœur brisé, ne pouvait que la croire.
Il espérait garder au moins son amitié.
Il revint au marais sans cesse chaque soir,
Mais cigogne jamais n'apparut dans le noir.
Il apprit à l'automne, par la mésange amie,
Que la cigogne avait rencontré un mari,
Que dans son nid lointain elle était jeune mère
Et qu'elle venait de prendre son envol pour l'hiver.
Il savait que jamais il ne la reverrait
Mais qu'elle serait toujours au centre de sa vie.
Son cœur du même amour éternel brûlerait
Rien ne pourrait jamais éteindre l'incendie.
Moralité
L'amour peut se cacher au détour d'un chemin
Dans un regard, un mot, un sourire, un parfum,
Mais ne peut apporter le bonheur à chacun
Que s'il est partagé dans un désir commun.
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