• Leurs enfants après eux | Goncourt

     

    Titre : Leurs enfants après eux

    Auteur : Nicolas Mathieu

    Éditions Actes Sud - Prix Goncourt 2018

    425 pages

     

    Présentation de l'éditeur :

    Août 1992. Une vallée perdue quelque part à l’Est, des hauts fourneaux qui ne brûlent plus, un lac, un après-midi de canicule. Anthony a 14 ans, et avec son cousin, ils s’emmerdent comme c’est pas permis. C’est là qu’ils décident de voler un canoë pour aller voir ce qui se passe de l’autre côté, sur la fameuse plage des culs-nus. Au bout, ce sera pour Anthony le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute la suite. Ce sera le drame de la vie qui commence. [...]

     

    Mon avis :

    S'il fallait qualifier ce roman en deux mots, je dirais que c'est du Zola contemporain.

     

    Entre drogue, alcool et sexe, Nicolas Mathieu brosse le portrait au vitriol d'adolescents désabusés dans la France des années 90. Il choisit pour cela trois profils différents, trois familles ordinaires dont les enfants vont se croiser au fil de l'histoire pour nous faire découvrir la réalité de cette époque, dans une région sinistrée, comme les mineurs de Germinal.

    On trouve ici Anthony et son cousin, fils d'ouvriers, adolescents qui tuent le temps comme ils peuvent en fumant des joints et en draguant les filles. Hacine, dealer qui cherche son identité entre la France et le Maghreb, partir, rester, vivre ici ou là-bas, trafiquer, devenir riche, peut-être. Steph et Clem, les deux copines inséparables, issues de milieux favorisées, prêtes à tous les excès pour s'éclater tant qu'il est encore temps, avant de passer le bac, de faire des études, par contrainte familiale ou simple envie de sortir du marasme.

    C'est donc l'histoire de ces jeunes qui vont se croiser, se chercher, s'effleurer, se baiser, se battre, avec une rage désespérée, une brutalité parfois bestiale. La coupe du Monde de 98 viendra apporter un peu d'empathie et de rêve dans ce monde hostile, violent, où l'espoir n'a pas sa place. Certains, parfois, tentent de s'en sortir, osent la sobriété pour vaincre leur dépendance à l'alcool, y croient, font des projets et trébuchent à nouveau pour retomber encore plus bas. On ne peut s'empêcher de songer au couple de l'Assommoir, Gervaise et Coupeau, dont la vie bascule après un accident.

    Ce roman naturaliste est noir, glauque, désespéré. Mais l'écriture est ciselée, lumineuse. J'ai aimé ces phrases bien construites, ce rythme maîtrisé, ce mélange inattendu de lexique littéraire et d'argot.

    Malgré l'ambiance déprimante, les personnages sombres, les vices récurrents, j'ai apprécié cette plongée au cœur des années 90, ces détails qui font sourire, une chanson, un homme politique, une émission qui nous ramènent plus de vingt ans en arrière. Certains éléments m'ont mis le doute (le mot tsunami était-il déjà employé à cette époque ?), certaines scènes m'ont dérangée par leur acuité, la couverture ne ressemble à rien mais ce roman est une découverte que je ne peux que conseiller à qui aime les peintures sociales, les anti-héros du quotidien, les personnages résignés qui tentent d'échapper à leur condition avec une maladresse touchante.

     

    Citations :

    L'alcool, à force, devient un organe parmi d'autres, pas moins indispensable. Il est là au-dedans, très profond, intime, utile à la marche des affaires, comme le cœur, un rein, vos intestins. En finir, c'est s'amputer. Patrick en avait chialé. Il avait crié la nuit. Et passé des heures dans son bain brûlant à claquer des dents. Et puis, après deux mois de migraines, de courbatures et de suées nocturnes, il s'était réveillé un beau jour, sevré. Tout avait changé, même son odeur. - Page 206

    Au fond, ces transhumances épisodiques, le fameux chassé-croisé, faisaient office d'immense unificateur. Dans l'amer retour au bercail, dans la nostalgie des soirées sur le port et le regret des platanes, des millions de citoyens en short se jouaient une fiction bien plaisante d'homme libre. Il se créait là plus d'identité française qu'à l'école ou dans les isoloirs. - Page 307

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  • Commentaires

    1
    Claire
    Mercredi 13 Février 2019 à 18:49

    Je découvre votre blog et je suis favorablement impressionnée par la qualité des billets. Il me reste plein de choses à découvrir et j'en suis ravie.

      • Mercredi 13 Février 2019 à 19:27

        Merci Claire pour ce commentaire positif.

        Pour lire d'autres avis de lecture, il faut aller sur le forum partagelecture, où je publiais mes chroniques auparavant sous le pseudo de Zia. J'en ai également relayé quelques-unes sur Babelio.

        Bonne découverte à vous !

        Au plaisir de vous lire à nouveau.

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