• "De l'Amour en Autistan"

    J'ai découvert Josef Schovanec en avril 2016, avec la lecture de son autobiographie : Je suis à l'Est ! (j'avais alors rédigé une chronique que je viens d'importer sur mon blog).

    Voici maintenant un autre de ses ouvrages, que l'on pourrait qualifier de "roman", même si ce terme serait ici très réducteur. Ses personnages créés à partir d'anecdotes vécues nous entraînent dans le monde des personnes avec autisme, un monde baptisé par Josef Schovanec du joli nom d'Autistan.

     

     

    Titre : De l'Amour en Autistan

    Auteur : Josef Schovanec

    Editions Plon - Novembre 2015

    224 pages

     

    Présentation de l'éditeur :

    Une immense mathématicienne, un bidouilleur informatique de génie, une passionnée d'art, un lecteur compulsif, un clochard céleste, un professeur excentrique... Chacun amoureux des langues, des nombres, des livres, des ordinateurs ou des couleurs, en autant de portraits, de visages et de récits dont les fils noués par l'auteur composent un monde et élaborent cette histoire si particulière de l'amour. L'amour en Autistan, ce pays fictif peuplé de personnes bizarres.

     

    Mon avis :

    L'érudition de l'auteur nous entraîne dans un monde complexe, auprès de personnages ayant chacun son domaine d'expertise et aimant s'attarder sur les détails. Chaque début de chapitre nécessite un temps d'adaptation, comme si on lisait un texte écrit dans une langue étrangère. Mais le charme opère et on voyage avec plaisir et curiosité dans l'univers (ou plutôt les univers) si particulier(s) de Gabriel, Sixte-Henri, Debbie, Jessica et Sonia.

    Entre traité philosophique, roman, essai sur l'autisme, conte... ce livre atypique, inclassable, nous fait découvrir la logique mathématique, le chatoiement des tissus, la programmation informatique, les langues anciennes, les cultures africaines... Chaque personnage a sa propre voix (et sa propre voie), ses difficultés sociales, ses stratégies pour s'adapter au monde quotidien et en supporter les stimulations trop fortes, les êtres humains trop présents, leur manque de logique...

    L'Amour apparaît ici comme une ouverture sociale : accepter l'autre, découvrir celui qui vous ressemble, comprendre sa singularité... Mais le contact est presque impossible pour ces personnages emprisonnés dans leur handicap, qui ne semblent pas éprouver de sentiments, qui ne savent pas, ne peuvent pas. On en souffre avec eux.

    Alors l'Amour s'exprime autrement, dans sa dimension intellectuelle et culturelle. Découvrir d'autres milieux de vie, voyager, s'instruire... pour comprendre le fonctionnement du monde. Et aller à la rencontre de soi-même.

    Petit bémol : j'avoue m'être parfois perdue dans les chapitres, qui se croisent, se mélangent, se brassent en une foule de détails. L'intrigue a manqué pour moi de linéarité : les fils directeurs sont noyés dans les descriptions liées aux intérêts spécifiques de chaque personnage (je me suis par exemple demandé d'où venait ce collier en or qu'un des personnages restitue à l'autre, et j'ai dû retourner en arrière pour voir qu'il avait été mentionné dans une courte scène d'une dizaine de lignes seulement). Le narrateur change à chaque chapitre, avec une alternance entre narrateur interne et externe, qui ne facilite pas le repérage.

    Après avoir refermé ce livre, il reste un goût amer. L'Amour a-t-il un sens pour une personne autiste ? Cette quête (si elle existe) peut-elle être couronnée de succès quand on est atypique ? Ces personnages goûteront-ils un jour au bonheur ? Les dernières pages du livre sont bien pessimistes. Je me suis attachée à Gabriel, Sonia et les autres. J'aurais tant aimé qu'ils soient heureux... Mais la vie n'a rien d'un conte populaire et ce livre, bien plus riche qu'une romance avec une banale happy end, nous fait réfléchir sur l'Autre, la différence, le handicap, la richesse des cultures... N'est-ce pas là l'essentiel ?

    _____

    Petit complément à cette chronique :

     

    Dans cette vidéo, Josef Schovanec présente son livre et en parle bien mieux que je ne viens de le faire. Il le décrit comme un "petit exercice de rédaction", un "jeu de lego à partir d'anecdotes réelles".

    Il montre la richesse des personnages, qui représentent différents profils de personnes avec autisme. Chacun s'exprime d'une façon différente, avec un style qui lui est propre, lié à un apprentissage particulier de la langue quand il était enfant. Mais ils ont en commun cette difficulté à réagir face aux émotions, cette anxiété lors de situations sociales imprévues, qui les conduit souvent à fuir pour se préserver.

    Josef Schovanec nous invite à prendre en considération l'existence d'autres types d'êtres humains car il n'y a pas une seule façon d'être humain. Et rappelle l'importance de son engagement de saltimbanque de l'autisme, comme il le dit lui-même :

    J'essaie d'être militant, on ne peut pas dormir tranquillement le soir si on ne fait rien quand on voit la détresse immense de tant de familles des quelques 600 000 personnes autistes en France.

     

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